Par Jim W. Dean, Rédacteur en chef, le 21 Mai 2016
Traduction française : Patrick T rev Isabelle
F. William Engdahl
(Remarque du Rédacteur : M. Engdahl nous propose une mise à jour de la lutte de longue date entre le dollar fiduciaire Américain et l’option Chinoise d’un panier de devises orientales et occidentales, pour créer une alternative qui permet de ne pas être à la merci de la Banque de la Réserve Fédérale et/ou de sanctions financières Américaines.
Alors que certains aux Etats-Unis tentent de manipuler celle-ci en la présentant comme une agression financière de la part de la Chine et de la Russie, il s’agit pour les Chinois d’un jeu défensif absurde, parce que deux-tiers de ses réserves en devises étrangères sont constituées d’obligations du Trésor Public Américain, ce qui en fait un otage volontaire en quelque sorte.
La Chine comprend qu’un monde en profonde récession financière sera contraint de faire fonctionner la planche à billets pour payer ses dettes par une inflation galopante, comme c’est le cas au Venezuela et au Brésil. Cela permet d’effacer la valeur des dettes détenues dans ces devises. La dette américaine de 16 000 milliards de dollars les inquiète un peu, ce qui est compréhensible.
La Chine construit sagement un mécanisme pour amortir l’effet financier d’une telle explosion, pour être en position de répliquer en mettant en jeu une monnaie garantie par l’or. J’avais oublié que la Chine et la Russie étaient devenus les deux premiers producteurs d’or, et que la Chine avait entrepris une campagne d’achats de mines d’or dans le monde entier.
Pour garantir une monnaie avec de l’or, il vous en faut beaucoup.
Ils accomplissent cela durant une période de tensions économiques où les prix d’acquisition sont plus bas, quelque chose qu’il est plus facile de faire dans une économie centralisée que dans une économie de marché pure.
La Route de la Soie elle-même doit assurer que, sur le long terme, les économies asiatiques et eurasiennes vont continuer de connaître une croissance prévisible à long terme, où les exportations constitueront un excédent, et pas une nécessité vitale qui est à la merci de graves récessions successives.
Et bien sûr, aucun écervelé ne voudra entrer en guerre avec quelqu’un qui peut la payer avec une devise monopolistique, alors que ces cibles potentielles doivent la payer avec une vraie valeur. Par conséquent leurs budgets militaires se concentrent totalement sur la défense afin de disposer de la plus forte dissuasion possible.
Quelle est la stratégie des Etats-Unis à long terme ? … De garder le monde dépendant, accroché au dollar, et utiliser nos forces militaires pour l’imposer, au besoin, sous couvert de manœuvres « destinées à défendre le pays ».
C’est une extension extrême du serment que prêtent les militaires « de défendre le pays, contre tous ses ennemis, extérieurs et intérieurs », sauf que les ennemis intérieurs jouissent d’une immunité totale … Jim W. Dean)
Première publication le 18 mai 2016
La Chine, qui préside actuellement le groupe de pays du G-20, a demandé à la France d’organiser une conférence très particulière à Paris. Le seul fait qu’une telle conférence puisse se tenir dans un pays de l’OCDE est un signe qui montre à quel point l’hégémonie du système-dollar dominé par les Etats-Unis est affaiblie.
Le 31 mars, s’est tenue à Paris, une réunion particulière appelée « Nanjing II ». Le gouverneur de la Banque Populaire de Chine, Zhou Xiaochuan, était présent et a fait une importante présentation sur, entre autres points, un usage plus étendu du panier spécial des cinq devises principales du FMI, les Droits de Tirage Spéciaux ou DTS. Les invités étaient triés sur le volet.
La liste comprenait le Ministre des Finances allemand Wolfgang Schaeuble, le Chancelier de l’Echiquier George Osborne, la Directrice générale du FMI Christine Lagarde, qui ont discuté de la future architecture financière mondiale avec la Chine. Apparemment et de manière significative, aucun représentant de haut rang des Etats-Unis n’était présent.
Sur ces discussions de Paris, Bloomberg a écrit :
« La Chine souhaite un système géré de manière beaucoup plus précise, dans lequel les décisions du secteur privé puissent être gérées par les gouvernements », a déclaré Edwin Truman, un ancien dirigeant de la Réserve Fédérale et du Département américain du Trésor. « Les Français ont toujours été en faveur d’une réforme monétaire internationale, donc ce sont des alliés naturels des Chinois sur cette question ».
Un journaliste de China Youth Daily présent à Paris a remarqué :
« Zhou Xiaochuan a fait remarquer que le système monétaire et financier international subit actuellement des ajustements structurels, que le monde économique affrontait de nombreux défis … » Selon le journaliste, Zhou a poursuivi en déclarant que l’objectif de la Chine en tant que présidente actuelle des discussions du G20 était de « promouvoir un usage plus important des DTS ».
Pour la plupart d’entre nous, cela semble à peu près aussi passionnant que de regarder l’herbe pousser dans les plaines du Texas. Cependant, derrière cette initiative technique apparemment mineure, comme il devient plus évident de jour en jour, se cache une grande stratégie chinoise, laquelle réussira ou non et qui consiste à évincer le rôle dominant du dollar US en tant que monnaie de réserve de la banque centrale mondiale.
La Chine et d’autres pays veulent mettre fin à la tyrannie d’un système dollar en faillite qui finance d’interminables guerres grâce à l’argent emprunté à d’autres, sans aucune obligation d’avoir jamais à rembourser. La stratégie consiste à mettre fin à la domination du dollar comme principale monnaie d’échange du commerce mondial des biens et des services. Ce n’est pas une mince affaire.
Malgré l’état de délabrement de l’économie américaine et la dette publique astronomique de 19 000 milliards de $ de Washington, le dollar constitue 64% des réserves des banques centrales. Le plus grand détenteur de la dette américaine est la République Populaire de Chine, le Japon suivant de près en deuxième position.
Aussi longtemps que le dollar sera « la devise qui règne en Roi », Washington pourra continuer à gérer des budgets interminables et déficitaires, sachant parfaitement que des pays comme la Chine n’ont pas d’alternative crédible pour investir leurs excédents en devises du commerce extérieur, à la dette du gouvernement américain ou aux dettes garanties par le Gouvernement américain.
En effet, comme je l’ai souligné, cela signifie que la Chine a en fait financé les opérations militaires de Washington qui portent atteinte aux intérêts souverains Chinois ou Russes ; dans le but de financer les innombrables révolutions de couleur du Département d’Etat des Etats-Unis depuis le Tibet jusqu’à Hong Kong, de la Libye à l’Ukraine, jusqu’au financement de l’Etat Islamique au Moyen-Orient, et ainsi de suite.
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Un monde multi-devises
Si nous examinons de plus près toutes les initiatives du gouvernement de Pékin depuis la crise financière mondiale de 2008 et particulièrement depuis la création de la Banque Asiatique pour l’Investissement dans l’Infrastructure (AIIB), la Nouvelle Banque de Développement des BRICS, les accords bilatéraux sur les contrats énergétiques en devises par lesquels la Russie évite le recours au dollar, il devient évident que Zhou et la direction de Pékin ont une stratégie à long-terme.
Comme l’a fait remarquer l’économiste britannique David Marsh en référence aux commentaires de Zhou lors de la conférence Nanjing II à Paris :
« La Chine a entrepris, pragmatiquement mais avec régularité, d’ancrer un système de réserve de devises multiples au cœur de l’ordre financier mondial ».
Depuis l’admission de la Chine dans le groupe restreint des monnaies DTS du FMI en novembre dernier, le système de devises multiples, que la Chine appelle « 4+1 », comprendrait l’euro, la livre sterling, le yen et le renminbi (les 4), coexistant avec le dollar. Voilà les cinq composantes des DTS.
Pour renforcer la reconnaissance des DTS, la Banque Populaire de Chine dirigée par Zhou a commencé à publier les chiffres de ses réserves en devises – les plus importantes du monde – en DTS ainsi qu’en dollars.
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Un avenir doré
La Russie et la Chine ne sont pas des chevreuils hypnotisés par les phares de l’Occident. Elles progressent à présent … à toute vitesse.
Cependant l’alternative Chinoise à la suprématie du dollar américain va beaucoup plus loin que la promotion d’un panier de devises fiduciaires de Droits de Tirages Spéciaux.
La Chine a clairement pour objectif de rétablir à nouveau l’étalon-or au niveau international, et de préférence, non basé sur la parité Dollar-or des accords de Bretton Woods qui a fait faillite, et à laquelle le Président Richard Nixon avait mis fin unilatéralement en août 1971, lorsqu’il avait annoncé au monde entier qu’il devrait se contenter à l’avenir de dollar-papier dont il ne pourrait plus assurer la parité en or.
A cette époque, l’inflation mondiale, mesurée en dollars, a commencé à grimper au cours de ce que les futurs historiens de l’économie appelleront sans doute la Plus Grande Inflation.
Selon une estimation, les dollars mondialement en circulation ont augmenté de près de 2 500 % entre 1970 et 2000. Depuis cette époque, l’augmentation a clairement dépassé les 3 000 %. Sans la moindre exigence, ni procédure stricte requérant la garantie des émissions en dollars par une quantité d’or prédéterminée, toutes les contraintes avaient été levées permettant une inflation mondiale.
Aussi longtemps que le monde a été dans l’obligation d’acquérir des dollars pour acheter du pétrole, des céréales, d’autres matières premières, Washington pouvait établir des chèques sans fin sans crainte de les voir renvoyés pour « provisions insuffisantes ».
Tout cela, associé au fait que depuis 1971, il y a eu en silence, un coup de maître permettant aux banques de Wall Street de détourner tout semblant de démocratie représentative et de règles basées sur la Constitution. Nous avons assisté à la naissance d’une machine à fric devenue folle, comme dans la fable du poète allemand du 18ème siècle Goethe, l’Apprenti Sorcier, ou en allemand Der Zauberlehrling. La création de dollars était hors de tout contrôle.
Depuis 2015, la Chine entreprend très clairement de remplacer Londres et New York et les bourses occidentales fixant les contrats futures des prix, pour les garantir sur l’or. Comme je l’ai identifié dans une analyse plus détaillée dans ces colonnes en août 2015, la Chine, aux côtés de la Russie, a pris des initiatives majeures pour garantir leurs monnaies par de l’or, pour leur donner « la même valeur garantie que l’or », alors que les monnaies comme l’euro alourdi par la dette ou la zone-dollar en faillite alourdie par la dette luttent pour leur survie.
En mai 2015, la Chine a annoncé qu’elle avait monté un Fonds d’Investissement Souverain orienté sur l’or. L’objectif était de créer une plateforme initialement dotée de 16 milliards de $, ce qui en faisait le fonds mondial en or physique le plus important, pouvant soutenir des projets d’extraction d’or tout au long de la nouvelle voie ferrée à grande vitesse de la Nouvelle Route économique de la Soie du Président Xi, encore appelée Une Route, Une Ligne.
La route de la Soie va bénéficier d’énormes avancées technologiques et comportera un système de défense.
Comme l’a déclaré la Chine, le but est de permettre aux pays Eurasiens le long de la Route de la Soie d’augmenter la garantie-or de leurs devises.
Il se trouve que les pays limitrophes de la Route de la Soie et au sein des pays BRICS recèlent l’essentiel de la population mondiale et des ressources naturelles et humaines indépendamment de ce que l’Occident a à proposer.
En mai 2015, la Bourse d’échange sur l’Or de Shanghai en Chine a formellement instauré le « Fonds de l’Or de la Route de la Soie ». Les deux principaux investisseurs dans ce nouveau fonds étaient les deux plus grandes entreprises chinoises d’extraction d’or – Shandong Gold Group a acheté 35% des actions et Shaanxi Gold Group 25%.
Le fonds investira dans des projets miniers d’extraction d’or tout au long de la voie ferrée de la Route de la Soie Eurasienne, y compris dans les parties largement sous-exploitées de la Fédération de Russie.
Un fait peu connu, c’est que l’Afrique du Sud n’est plus le numéro un de l’extraction d’or. Elle est tombée à la 7ème place de la production annuelle d’or. La Chine est le numéro un et la Russie le numéro deux.
Le 11 mai, juste avant la création du nouveau fonds souverain de l’or Chinois, la Société nationale chinoise du conglomérat de l’or a signé un contrat avec le groupe minier russe Polyus Gold, le plus grand groupe minier Russe et un des dix plus grands groupes mondiaux. Les deux entreprises vont explorer les ressources en or, et ce qui est actuellement le plus gros gisement d’or connu en Russie, à Natalka dans la partie orientale de Magadan dans le District de Kolyma.
Récemment, le gouvernement Chinois et ses entreprises d’état ont également changé de stratégie. Aujourd’hui, selon les chiffres officiels de mars 2016, la Chine détient plus de 3 200 milliards de $ en devises étrangères à la Banque Populaire de Chine, dont on estime que près de 60% soit 2 000 milliards $ sont des actifs libellés en dollars tels que des Obligations du Trésor américain ou des quasi-obligations gouvernementales telles que des obligations sur hypothèques de Fannie Mae ou de Freddie Mac.
Au lieu d’investir tous leurs dollars résultant des excédents du commerce extérieur en dette gouvernementale américaine de plus en plus minée par l’inflation et sans valeur de contrepartie, la Chine s’est lancée dans une stratégie mondiale d’achats d’actifs.
Maintenant pour Pékin la tête de liste des achats à effectuer à l’étranger, comprend les mines d’or du monde entier. Malgré une faible hausse récente du prix de l’or depuis janvier, l’or est toujours à un plus bas depuis 5 ans et beaucoup de compagnies minières de renom sont à court de liquidités et au bord de la faillite. L’or est vraiment près de connaître une renaissance.
La beauté de l’or physique ne réside pas seulement dans ce qu’il représente pour les innombrables investisseurs d’or physique, mais un contrepoids contre l’inflation. C’est également le plus beau de tous les métaux précieux.
Dans son ouvrage, la République, le philosophe Grec Platon a identifié cinq types de régimes politiques – l’Aristocratie, la Timocratie (recherche des honneurs), l’Oligarchie, la Démocratie et la Tyrannie, la Tyrannie étant la plus infâme.
Puis il cite l’Aristocratie, ou règne des Rois philosophes ayant des « âmes en or » comme une forme de gouvernement la plus élevée, la plus bienveillante avec la plus haute intégrité. L’or a une valeur par lui-même et a toujours occupé cette place particulière au cours de l’histoire de l’humanité. La Chine et la Russie et d’autres nations de l’Eurasie d’aujourd’hui remettent l’or à sa juste place. C’est très sympa.
F. William Engdahl est consultant en risque stratégique et conférencier, il est licencié en sciences politiques de l’Université de Princeton et l’auteur à succès d’ouvrages sur le pétrole et la géopolitique, en exclusivité pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook »
http://journal-neo.org/2016/05/18/china-quietly-prepares-golden-alternative-to-dollar-system/
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