Un F-35 exposé à l'Aerobase sur une photo de février dernier
« L’ART DE LA GUERRE »
À Ghedi on prépare la nouvelle base pour les F-35
par Manlio Dinucci
FRANÇAIS ITALIANO
Dans l’aéroport militaire de Ghedi (Brescia) sont en train de commencer les travaux pour réaliser la principale base opérationnelle des chasseurs F-35A de l’Aéronautique italienne armés de bombes nucléaires. La Matarrese Spa de Bari, qui a obtenu l’adjudication avec une offre de 91 millions d’euros, construira un grand hangar pour la maintenance des chasseurs (plus de 6 000 m2) et un petit immeuble qui accueillera le commandement et les simulateurs de vol, doté d’une parfaite isolation thermo-accoustique « dans le but d’éviter des révélations de conversations ».
Deux lignes de vol seront réalisées, chacune avec 15 petits hangars à l’intérieur desquels se trouveront les chasseurs prêts au décollage. Ceci confirme ce que nous avions publié il y a trois ans [1], à savoir que le projet (lancé par Roberta Pinotti, alors ministre de la Défense) prévoyait le déploiement d’au moins 30 chasseurs F-35A.
L’aire où seront basés les F-35, clôturée et surveillée, sera séparée du reste de l’aéroport et top secret. La raison en est claire : à côté des nouveaux chasseurs seront basées à Ghedi, dans un dépôt secret qui n’apparaît pas dans l’adjudication, les nouvelles bombes états-uniennes B61-12.
De même que les actuelles B-61 dont sont armés les Tornado PA-200 du 6ème Stormo, les B61-12 seront contrôlées par l’unité spéciale états-unienne (704th Munitions Support Squadron de l’U.S. Air Force), « responsable de la réception, du stockage et de la maintenance des armes de la réserve de guerre US destinées au 6ème Stormo Otan de l’Aéronautique italienne ». Cette même unité de l’Aéronautique US a le devoir de « soutenir directement la mission d’attaque » du 6ème Stormo.
Des pilotes italiens sont déjà entraînés, dans les bases aériennes de Luke en Arizona et d’Eglin en Floride, à l’utilisation des F-35A y compris pour des missions d’attaque nucléaire sous commandement US.
Des chasseurs du même type, armés ou en tous cas armables avec les B61-12, sont déployés dans la base d’Amendola (Foggia), où ils ont déjà dépassé les 5 000 heures de vol. En plus de ceux-ci, il y aura les F-35 de l’U.S. Air Force déployés à Aviano avec les B61-12.
Le nouveau chasseur F-35A et la nouvelle bombe nucléaire B61-12 constituent un système d’arme intégré : l’utilisation de l’avion comporte l’usage de la bombe. Le ministre de la Défense Guerini (Pd) a confirmé que l’Italie maintient son engagement à acheter 90 chasseurs F-35, dont 60 de modèle A à capacité nucléaire.
La participation au programme du F-35, en tant que partenaire de second niveau, renforce l’ancrage de l’Italie aux États-Unis. L’industrie guerrière italienne, chapeautée par la société Leonardo qui gère le site des F-35 à Cameri (Novara), se trouve de plus en plus intégrée dans le gigantesque complexe militaro-industriel US chapeauté par la société Lockheed Martin, la plus grande industrie guerrière du monde, constructrice du F-35.
En même temps l’Italie —État non-nucléaire adhérent au Traité de non-prolifération qui lui interdit d’avoir des armes nucléaires sur son territoire— joue la toujours plus périlleuse fonction de base avancée de la stratégie nucléaire USA/OTAN contre la Russie et d’autres pays.
Sachant que chaque avion peut transporter en soute deux B61-12, rien que les 30 F-35 A de Ghedi auront une capacité d’au moins 60 bombes nucléaires. Selon la Fédération des scientifiques américains, la nouvelle bombe « tactique » B61-12 pour les F-35, que les USA déploieront en Italie et dans d’autres pays européens à partir de 2022, étant plus précise et en position rapprochée des objectifs, « aura la même capacité militaire que les bombes stratégiques déployées aux États-Unis ».
Il y a enfin la question, non encore définie, des coûts. Le Service de recherche du Congrès des États-Unis, en mai 2020, estime le prix moyen d’un F-35 à 108 millions de dollars, en précisant cependant que « c’est le prix de l’avion sans moteur », dont le coût est d’environ 22 millions. Une fois acheté, même à un prix moindre comme le promet pour l‘avenir Lockheed Martin, commence pour le F-35 la dépense pour sa mise à jour continue, pour la formation des équipages et pour son utilisation. Une heure de vol d’un F-35 —documente l’U.S. Air Force— coûte plus de 42 000 dollars. Cela signifie que rien que les 5 000 heures de vol effectuées par les F-35 d’Amendola ont coûté à nos caisses publiques 180 millions d’euros.
[1] Il manifesto, 28 novembre 2017.
Manlio Dinucci
il manifesto, 06 octobre 2020
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