Wednesday, November 23, 2016

F. William Engdahl -- L’Euro est en train d’assassiner l’Europe

12.11.2016 Auteur: F. William Engdahl


Par F. William Engdahl le 19 novembre 2016
 « L’Europe est l’exemple même d’une situation défavorable à une monnaie unique »

Le système bancaire Européen
L’Euro est en train de détruire les nations et les économies de l’UE, au sens littéral. Depuis que la politique de la monnaie unique est entrée en vigueur en 2002 dans les transactions en remplacement des monnaies nationales, le système des taux de change fixes a dévasté l’industrie dans les pays à la périphérie des 19 membres de la zone Euro, en donnant un avantage disproportionné à l’Allemagne.
La conséquence peu remarquée a été une contraction de l’activité industrielle et l’impossibilité de résoudre la crise bancaire que cela a provoqué. L’Euro est un désastre monétaire et la dissolution de l’UE est désormais bien programmée en conséquence.
Ceux d’entre vous qui sont habitués à mes réflexions sur l’économie sauront que je pense que tout le concept de la mondialisation, un terme qui a été très populaire sous la présidence de Bill Clinton pour rendre séduisant l’agenda des multinationales qui venait juste de paraître avec la création de l’Organisation Mondiale du Commerce en 1994, n’est qu’un jeu de dupes destructeur au profit de quelques centaines « d’acteurs mondiaux » géants. La mondialisation détruit les nations pour faire progresser les projets de quelques centaines de multinationales géantes sans l’appui d’une règlementation.
Elle repose sur une théorie infondée publiée par le partisan anglais du libre-échange du 18ème siècle, David Ricardo, connue sous le nom de Théorie de l’Avantage Comparatif, utilisée par Washington pour justifier l’élimination de toutes les barrières commerciales protectionnistes au bénéfice des « Acteurs Mondiaux » les plus puissants, pour la plupart basés aux Etats-Unis.
Le projet américain en voie de capoter connu sous le nom de Partenariat Trans-Pacifique (PTP) ou Partenariat Transatlantique de Commerce et d’Investissement (PTCI), n’est quasiment que du Mussolini shooté aux stéroïdes. Les quelques centaines de multinationales les plus puissantes vont être formellement au-dessus des lois nationales si nous sommes assez fous pour élire des politiciens corrompus qui vont signer ce genre         d’absurdité. Cependant rares sont ceux qui ont étudié de près les conséquences du renoncement à la souveraineté monétaire de leur pays au profit de l’Euro.
Effondrement de l’industrie


Les nations composant ce qui est appelé à tort l’Union Européenne suivent un concept ratifié par un nombre réduit de membres européens à l’époque – douze contre dix-huit aujourd’hui – de ce qui était la Communauté Economique Européenne (CEE). Une version Européenne de la folie des grandeurs qui s’est emparée de la Commission de la CEE sous la présidence du politicien mondialiste français Jacques Delors, lorsqu’il a dévoilé ce qui allait s’appeler L’Acte Unique Européen signé en février 1986 par 12 états.
Delors a fait capoter le principe instauré par la France sous le Général de Gaulle, celui que De Gaulle appelait « l’Europe des Patries ». La conception qu’avait De Gaulle de la Communauté Economique Européenne – à l’époque six nations comprenant la France, l’Allemagne, l’Italie et les trois du Benelux – était celle selon laquelle il y aurait des réunions périodiques des dirigeants des six nations du Marché Commun. C’est là que les chefs d’état élus formuleraient des politiques et prendraient des décisions.
Une assemblée élue parmi les membres des parlements nationaux contrôlerait les agissements des ministres. De Gaulle considérait la bureaucratie Bruxelloise de la CEE comme une administration purement technique, subordonnée aux gouvernements nationaux. La coopération devait être fondée sur la « réalité » de la souveraineté nationale. L’acquisition de pouvoirs supranationaux sur les nations individuelles de la CEE était un anathème pour De Gaulle, et à raison. Il en va des personnes comme des nations – l’autonomie est fondamentale et les frontières ont une raison d’être.
L’Acte Unique de Delors proposait de renverser cette Europe des Patries grâce à des réformes radicales de la CEE aboutissant à l’idée destructrice que les diverses nations, ayant des histoires, des cultures différentes et des langues différentes, pouvaient dissoudre leurs frontières en devenant une espèce d’ersatz des Etats-Unis d’Europe, dirigés du sommet à la base par des bureaucrates non-élus à Bruxelles. C’est essentiellement une vision corporatiste de type mussolinien fasciste d’une bureaucratie européenne non-démocratique, irresponsable contrôlant arbitrairement les peuples, soumise à l’influence, la pression et la corruption des multinationales.
C’est un projet qui a été conçu par les plus grandes multinationales basées en Europe, dont l’organisation, le lobby était la Table Ronde Européenne des Industriels (ERT), un groupe de pression influent des principales multinationales européennes (sur invitation personnelle uniquement) telles que le suisse Nestlé, la Royal Dutch Shell, Vodafone, BASF, Deutsche Telekom, Thyssen-Krupp, Siemens et d’autres multinationales géantes Européennes. L’ERT, ce n’est pas surprenant, est le principal lobby de Bruxelles incitant à l’adoption de l’accord commercial PTIC avec Washington.
L’ERT était en 1986 le principal élément directeur de l’Acte Unique de M. Delors, qui a mené au Monstre de Frankenstein appelé l’Union Européenne. L’idée de l’UE est la création d’une autorité politique centralisée non-élue décidant de haut en bas de l’échelle du futur de l’Europe sans garde-fous sur les équilibres démocratiques, au fond une notion typiquement féodale.
Le concept d’un ensemble d’Etats-Unis de l’Europe, dissolvant les identités nationales qui remontaient à plus de mille ans, trouve son origine dans les années 1950 lorsque la réunion des Bilderberg de 1955 à Garmisch-Partenkirchen, en Allemagne de l’Ouest, a discuté pour la première fois de la création à partir des six pays membres de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) d’une « monnaie commune, et … cela impliquait nécessairement  la création d’une autorité politique centralisée ». De Gaulle n’était pas présent.
Le Projet de créer une union monétaire a été dévoilé en 1992 lors d’une conférence de la CEE à Maastricht, aux Pays-Bas, suite à la réunification des deux Allemagne. La France et l’Italie, soutenues par la Grande-Bretagne de Margaret Thatcher, l’ont imposé à l’Allemagne malgré ses réticences afin de « contenir la puissance d’une Allemagne réunifiée ». La presse conservatrice Britannique s’est déchaînée contre l’Allemagne en la présentant comme un « Quatrième Reich » en devenir, partant à la conquête économique, et non militaire, de l’Europe. De façon ironique, c’est exactement ce qui allait émerger de fait des structures de la zone Euro d’aujourd’hui. En raison de l’Euro, l’Allemagne domine économiquement toute la zone Euro des 19 pays.
Le problème de la création de l’Union Monétaire Européenne (UME) prévue dans le Traité de Maastricht est que la monnaie unique et la Banque Centrale Européenne « indépendante » ont été lancées sans aucun lien à une entité politique légitime unique, une authentique Europe Etatsunienne. L’Euro et la Banque Centrale Européenne sont une création supranationale qui ne rend de comptes à personne.
Cela a été réalisé en l’absence de toute union politique organique authentique, telle qu’elle a été créée lorsque 13 états, liés par la même langue anglaise, à la suite d’une guerre menée pour obtenir l’indépendance de la Grande-Bretagne, ont créé et adopté la Constitution des Etats-Unis d’Amérique. En 1788, les délégués des 13 états se sont mis d’accord pour établir une forme de gouvernement Républicain destinée à représenter le peuple des états, avec une séparation des pouvoirs entre le législatif, le judiciaire et l’exécutif. Rien de tel n’existe avec l’Union Monétaire Européenne.
Les bureaucrates de l’UE ont un terme délicat pour qualifier cette déconnexion entre les dirigeants non-élus de la banque centrale de la BCE qui contrôle la destinée économique des 19 pays membres et les 340 millions de citoyens constituant la soi-disant zone Euro. Ils appellent cela le « déficit démocratique ». Ce déficit est devenu gargantuesque depuis la crise bancaire et financière internationale de 2008 et l’émergence de la Banque Centrale Européenne non-souveraine.
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Depuis la création de la monnaie unique de l’Euro en 1992, les pays membres de l’Euro se trouvent dans une camisole de force économique. La valeur de la monnaie ne peut pas être modifiée pour doper les exportations nationales pendant les périodes de dépression économique telles que celle que nous connaissons depuis 2008.
Il en résulte que la plus grande puissance industrielle de l’Eurozone, l’Allemagne, a bénéficié de la stabilité de l’euro, pendant que les économies les plus faibles de la périphérie de l’UE, y compris et surtout la France, ont subi les conséquences catastrophiques du taux fixe de l’Euro.
Dans un rapport récent, le centre de réflexion Néerlandais Gefira Foundation, souligne que l’industrie française s’est contractée depuis l’adoption de l’euro. « Elle n’a pu se remettre des crises de 2001 et 2008 parce que l’euro, une monnaie plus forte que le franc français ne l’aurait été alors, est devenu un fardeau pour l’économie française. Les taux de change flottants jouent le rôle d’indicateur de la puissance de l’économie et de stabilisateur automatique. Une monnaie plus faible sert à regagner de la compétitivité pendant une crise, alors qu’une monnaie plus forte soutient la consommation de produits manufacturés étrangers ».
L’étude souligne qu’en raison de cette camisole monétaire, la politique de la BCE a créé un euro dont le taux est trop élevé par rapport aux autres devises principales, pour permettre à la France de maintenir ses exportations depuis le retournement économique de 2001. L’Euro a entraîné un accroissement des importations en France et parce que la France n’avait aucune flexibilité de change, son industrie « n’a pas pu retrouver sa compétitivité sur les marchés mondiaux après la crise de 2001, si bien que son industrie n’a cessé de décliner lentement depuis ». Elle a perdu l’outil de stabilisation économique du taux de change flottant.
Aujourd’hui, selon Eurostat, l’industrie ne représente plus que 14,1 % de la valeur-ajoutée brute française. En 1995, le chiffre était de 19,2 %. En Allemagne il est de 25,9 %. Le plus frappant a été l’effondrement de l’industrie automobile française jadis florissante. Malgré le fait que la production automobile mondiale ait pratiquement doublé entre 1997 et 2015, de 53 millions à 90 millions de véhicules annuels et alors que l’Allemagne a augmenté sa production automobile de 20 % de 5 à 6 millions, à partir du moment où la France a adopté l’Euro, la production automobile française a presque été divisée par deux, de presque 4 millions de véhicules à moins de 2 millions.
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Les politiques d’austérité et de renflouement administratif de l’Euro

La même camisole de force de l’Euro empêche toute restructuration sérieuse des banques de la zone Euro ébranlées depuis la crise de 2008. La création de la Banque Centrale Européenne supranationale et non-souveraine a empêché les pays membres de la zone Euro de résoudre leurs problèmes bancaires créés par les excès de la période antérieure à 2008.
Le cas de l’Italie avec sa requête de faire renflouer par l’état (bail-out) sa troisième banque la plus importante, Monte dei Paschi, est exemplaire.
Bien que des licenciements et des fermetures drastiques aient pour le moment limité la panique, Bruxelles refuse d’autoriser l’état italien à venir au secours de la banque à hauteur de 5 milliards de $, et exige que la banque fasse appel à une nouvelle loi bancaire de l’UE appelée « renflouement administratif » (bail-in) à la place. Alors qu’ils n’oseront sans doute pas mettre en œuvre le renflouement administratif ailleurs qu’en Italie, c’est la loi de l’UE qui s’applique et elle va certainement être l’instrument clef qu’utilisera l’Eurogroupe non-élu lors de la prochaine crise bancaire.
*le renflouement administratif ou bail-in, consiste pour une banque européenne au bord de la faillite, à faire d’abord appel à ses actionnaires, ainsi qu’à ses créanciers obligataires et à ses déposants détenant plus de 100 000 euros dans ses comptes, avant de se tourner vers le Mécanisme de Résolution Unique (MRU) abondé par le secteur bancaire Européen. (Ndt).
Le renflouement administratif, bien qu’il sonne mieux que le plan de sauvegarde par les contribuables, exige que les déposants de la banque soient saisis de leurs dépôts pour « secourir » une banque au bord de la faillite, si Bruxelles ou l’Eurogroupe non-élu décide que ce genre de renflouement administratif des dépôts est nécessaire après que les créanciers obligataires et les actionnaires aient été incapables de faire face aux pertes. Cette saisie par le renflouement administratif a été appliquée aux banques chypriotes en 2013 par l’UE. Les déposants ayant individuellement plus de 100 000 € de dépôts ont perdu 40% de leur argent.
Si vous êtes un déposant, disons, à la Deutsche Bank, et que les actions en bourse vacillent, comme cela a été le cas, et que des procédures légales menacent son existence même, et que le gouvernement Allemand refuse d’envisager le plan de sauvegarde, mais expose la banque à un renflouement administratif, vous pouvez être sûr que chaque déposant qui a un compte supérieur à 100 000 € va commencer à rechercher d’autres banques, ce qui ne fera qu’accentuer la crise pour la Deutsche Bank. Alors tous les autres déposants restants seraient vulnérables à un renflouement administratif comme il a été initialement proposé par l’Eurogroupe pour les banques chypriotes.
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L’abandon de la souveraineté monétaire

Sous le règne de l’Euro et des règles de l’Eurogroupe et de la BCE, les décisions ne sont plus souveraines mais centralisées, elles sont prises par des bureaucrates anonymes non-démocratiquement élus comme le Ministre des Finances Néerlandais, Jeroen Djisselbloem, le Président de l’Eurogroupe.
Au cours de la crise bancaire Chypriote, Djisselbloem a proposé de saisir tout l’argent des dépôts, quel que soit leur importance, pour recapitaliser les banques. Il a été contraint de faire marche arrière à la dernière minute, mais cela montre bien ce qui peut arriver lors de la prochaine crise bancaire de l’UE qui est programmée par cette institution Européenne défaillante et sa BCE vouée à l’échec.
En vertu des règlementations de la zone Euro en vigueur depuis janvier 2016, les gouvernements nationaux des pays de l’UE ont interdiction de renflouer leurs banques avec l’argent des contribuables, empêchant ainsi toute résolution de problèmes de liquidité bancaire jusqu’à ce qu’il soit trop tard. L’Allemagne a adopté une loi de renflouement administratif des banques comme d’autres gouvernements de l’UE. Les nouvelles règles de renflouement administratif résultent d’une directive bureaucratique concoctée par les bureaucrates anonymes non-élus de la Commission européenne, connue sous le nom de Directive de Rétablissement et de Résolution Bancaire (DRRB).
En 1992, lorsque les banques Suédoises étaient insolvables lors de l’éclatement de la bulle immobilière, l’état est intervenu par l’intermédiaire de Securum, un organisme de sauvetage des banques endettées/bonne banque. Les banques en faillite ont été temporairement nationalisées. Les prêts immobiliers non rentables à hauteur de milliards ont été placés dans une structure d’état, Securum, ladite banque pourrie. Les directeurs de banques souffrant d’une addiction au risque ont été limogés.
Les banques nationalisées, débarrassées de leurs dettes pourries, ont été autorisées, sous la tutelle de l’état, à refaire des prêts et redevenir profitables avant d’être à nouveau privatisées lorsque l’économie a repris. L’immobilier non-rentable est redevenu profitable lorsque l’économie s’est redressée au cours des années suivantes, et au bout de cinq ans l’état a réussi à vendre les actifs avec un profit total net et à liquider Securum. Les contribuables n’ont pas été mis à contribution.
La BCE empêche de résoudre le problème bancaire
Maintenant que l’UE fait face à une nouvelle crise d’insolvabilité bancaire, des banques comme la Deutsche Bank, la Commerzbank et d’autres grandes banques de la zone Euro risquent de nouvelles crises capitalistiques, parce que l’UE n’a pas de centralisation de l’impôt, il n’y a pas de solution souple pour le sauvetage d’une banque par les contribuables ou par des nationalisations temporaires.
De nouvelles réglementations bancaires nationales adaptées aux conditions locales ne sont pas possibles. Des mesures permettant de gagner du temps pour les banques en difficulté afin de permettre un moratoire temporaire des saisies en cas de retard de paiement, et la sous-traitance de systèmes de paiements électroniques à des banques commerciales, ne sont pas possibles.
La zone Euro ne possède pas d’autorité fiscale centralisée, donc ce genre de solutions ne peuvent pas être mises en œuvre. Les problèmes du système bancaire ne peuvent être résolus que par les autorités monétaires, car la politique malsaine des intérêts négatifs de la BCE, le soi-disant assouplissement quantitatif consistant pour la BCE à acheter des milliards et des milliards d’Euros de dettes privées et publiques douteuses sans qu’on en voie la fin, rend du même coup les compagnies d’assurance et les fonds de retraite insolvables.
La réponse n’est assurément pas celle qui est proposée par le cleptomane George Soros et d’autres, à savoir de donner à l’état Bruxellois non élu le pouvoir fiscal centralisé d’émettre des obligations en Euros. La seule solution, sauf à détruire les économies de toute la zone Euro lors de la prochaine crise d’insolvabilité bancaire, consiste à démanteler le Monstre de Frankenstein appelé l’Union Monétaire Européenne avec sa BCE et sa monnaie commune.
Les pays considérés individuellement par les 19 pays de l’Eurozone ne constituent pas ce que les économistes appellent une « zone monétaire optimale », et cela n’a jamais été le cas. Les problèmes économiques de la Grèce ou de l’Italie ou même de la France sont extrêmement différents de ceux de l’Allemagne, du Portugal ou de l’Espagne.

En 1997, avant sa mort, un des économistes que j’apprécie le moins, Milton Friedman, a déclaré : « L’Europe est l’exemple même d’une configuration défavorable à une devise commune. Elle est composée de nations distinctes, parlant des langues différentes, avec des coutumes différentes, et des habitants qui ressentent une plus grande loyauté et un plus grand attachement à leur propre pays qu’à un marché commun ou une vision de l’Europe ». Je dois reconnaître que sur ce point il avait raison. C’est encore plus vrai aujourd’hui. L’Euro et la Banque Centrale Européenne détruisent l’Europe aussi sûrement que l’a fait la Deuxième Guerre Mondiale, seulement sans les bombes et les ruines.
F. William Engdahl est consultant en risque stratégique et conférencier, il est titulaire d’une licence en science politique de l’Université de Princeton et auteur à succès sur les sujets du pétrole et de la géopolitique, en exclusivité pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook ».

© NEO.

Traduction Patrick T rev Isabelle





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